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Le financement des écoles privées à Marseille et, plus spécifiquement, le fameux « forfait communal » versé par la ville aux écoles privées.
Introduction et cadre législatif
Pour bien comprendre le sujet, un petit rappel sur la réglementation s’impose. En décembre 1959, la loi « Debré » (du nom de Michel Debré, son initiateur) est adoptée. Cette loi a légitimé l’existence de l’enseignement privé à côté de l’enseignement public, invoquant la « liberté d’enseignement », vue comme une « liberté essentielle ». La loi établit que l’enseignement privé participe à la mission d’éducation nationale en contribuant au service public, bien que sous un statut privé.
Les écoles privées sous contrat sont donc cofinancées par trois sources :
1. L’État, qui prend en charge les salaires des enseignants,
2. Les communes, qui participent au fonctionnement matériel via le forfait communal,
3. Les familles, qui assument des frais de scolarité.
Selon le rapport 2023 de la Cour des comptes (un de nos « livres de chevet », il faut bien le dire !), le financement des écoles privées sous contrat est réparti de la façon suivante : 55 % par l’État, 22 % par les communes, et 23 % par les familles, d’après des données de 2020.
Le forfait communal : c’est quoi exactement ?
Le « forfait communal » est la contribution financière que la municipalité verse aux établissements privés de son territoire. Ce montant est calculé en fonction du coût moyen par élève dans les écoles publiques, puis multiplié par le nombre d’élèves inscrits dans le privé. Autrement dit, la collectivité doit dépenser autant par élève, qu’il soit dans le privé sous contrat ou dans le public.
Vous avez bien entendu, nous répétons : la collectivité doit dépenser autant par élève, qu’il soit dans le privé sous contrat ou dans le public.
Merci M. Debré.
C’est qu’on appelle le principe de « parité ».
Mais alors, comment sait-on ce que coûte réellement un élève scolarisé dans le public ? Eh bien, c’est là que les choses se compliquent un peu.
Calculer le coût d’un élève dans le public : ce qu’on inclut (ou non)
La circulaire de 2012 de l’Éducation nationale précise les éléments qui doivent être pris en compte dans le calcul du coût par élève dans le public. Cette liste inclut les dépenses liées :
à l’entretien des locaux (les salles de classe, les cours de récréation, les installations sportives, etc.),
aux fournitures et dépenses de fonctionnement (chauffage, électricité, nettoyage, maintenance, etc.),
au remplacement du mobilier scolaire et du matériel collectif d’enseignement,
aux équipements informatiques et frais de connexion,
aux fournitures scolaires et dépenses pédagogiques,
à la rémunération des intervenants extérieurs (ceux que la mairie peut recruter pour appuyer les enseignants),
aux coûts de transport pour les activités scolaires (comme la piscine ou les gymnases),
aux salaires des ATSEM (Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles) pour les classes de maternelle,
et enfin, à une part des services généraux de l’administration communale.
Revenons à Marseille. En 1999, le forfait communal était de 412 € par élève. En 2019, il a atteint 880 €. Ce montant a évolué en plusieurs phases, avec de longues périodes de stagnation et quelques augmentations marquantes étrangement liées aux élections.
On arrive en 2019, sous Jean-Claude Gaudin, alors en fin de mandat. Une délibération, votée en catimini, prévoit une augmentation massive du forfait communal pour les trois années suivantes. Il devait ainsi passer de 880 € à près de 1100 € par élève en 2022. C’est là que notre collectif a décidé d’agir en déposant un recours en janvier 2020.
Trois ans de procédure… et la victoire
Trois ans plus tard, nous avons obtenu gain de cause. Le montant du forfait communal a dû être revu à la baisse, ce qui a permis une économie de deux millions d’euros pour la dotation aux écoles privées. La nouvelle délibération adoptée par la Ville en 2022 incluait un calcul plus détaillé, et la dotation a été ajustée en conséquence.
Un point technique, mais important dans le forfait communal : le forfait communal ne doit couvrir que les dépenses directement liées aux temps d’enseignement, soit 6 heures par jour, et non les 10,5 heures d’ouverture des écoles.
Alors pour être juste, les dépenses seront proratisées à ce temps d’enseignement.
Pour les dépenses de chauffage, par exemple, la Ville applique un prorata de 57 % correspondant aux heures de cours.
Mais cela ne prend pas en compte les utilisations supplémentaires de l’écoel (on pense aux mercredis, vacances scolaires, etc.), selon nos calculs en reprenant jour par jour sur une année, l’intégration de ces oublis par la ville, feraient chuter cette part à 36 %. En appliquant ce ratio de 36% en lieu et place du ratio de 57% utilisé par la ville, la dotation globale ne devrait pas être de 13 millions d’euros comme actuellement mais plutôt de 10 millions d’euros.
et nous ne parlons même pas de la composante du forfait communal qui est la quote-part de l’administration générale, un fourre-tout bien compliqué à estimer et encore moins à opposé, celle de marseille est estimée à 4,8M€ en 2021, un montant estimé d’après l’étude de 2018 de Gaudin …autant vous dire le sérieux de l’affaire …
Nous avons soulevé la questions de ratio (le fameux 36% à opposer au 57%) auprès de la mairie, mais nous n’avons jamais reçu de réponse officielle. nous sommes déçus. Et depuis la révision de leur calcul présenté et voté en juin 2022, nous avons compris sur le tard que désormais plus aucun rapport ne sera présenté au conseil municipal sur le sujet : ils considères que cette formule étant adoptée, elle n’avait pas à être votée tous les ans, évitant ainsi tout recours ou tout débat si vous voulez notre avis. Le seul indicateur que nous ayons est donc l’analyse du rapport d’orientation budgétaire en début d’année, et le compte administratif une fois que l’année est passée pour nous donner une estimation de l’augmentation du forfait communal. Pour 2024, le rapport d’orientation budgétaire présenté par Joël Canicave au conseil municipal démontre une augmentation discrète de 700 000 € dans le budget 2024 (il faut lire entre les lignes le rapport qui fait plusieurs dizaines de page).
700 000 € pour une année, c’est plutôt pas mal …
Et c’est sans compter sur le financement “bonus” pour le numérique…
Allez on vous explique …
En 2021, la ville répond pour ses écoles publiques à un appel à projet de l’État pour obtenir du financement des vidéoprojecteurs, et ensuite tableaux numériques interactifs, La ville obtient 5,7 millions d’euros pour le déploiement des écrans numériques dans les écoles publiques de Marseille. Mais, surprise : en 2024, un avenant à la convention prévoit que le reliquat de 750 000 € de ce financement, c’est-à-dire qui n’est pas dépensé, est alloué aux écoles privées sous contrat. oui .. oui … 750 000 € … Alors à ce jour, huit établissements privés ont bénéficié approximativement de 200 000 € pour s’équiper en numérique… voilà … pour ceux qui s’étonnent d’un tel financement à un investissement dans les écoles privées (lachat d’un équipement informatique est de l’investissement), sachez, que c’est le code de l’éducation nationale qui le permet : toute aide à l’investissement est effectivement interdit pour les écoles (contrairement aux collège et lycées), sauf sauf … pour ‘investissement lié à l’achat de matériel informatique qui peuvent (notez qu’il n’y a pas d’obligation), et les écrans numériques interactifs sont des équipements informatiques… voilà, voilà même Gaudin n’y avait pas pensé.
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